Viadeo connait une forte croissance et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. La plateforme de mise en relation professionnelle multiplie les nouveaux services et améliore la portée et l’accessibilité de ses solutions à destination des entreprises, des agences et des cabinets de recrutement. Le premier réseau social français étend son activité à la Chine à l’Inde et à l’Amérique du Sud. Tour d’horizon de ce succès avec Olivier Fécherolle, directeur de la communication et des partenariats du numéro 2 mondial des réseaux sociaux professionnels.
Olivier Fécherolle : Que faisiez-vous avant d’intégrer Viadeo ?
J’ai débuté lors de l’émergence d’internet et j’ai eu la chance de rejoindre l’aventure Keljob.com en 2000. Nous avons réussi à développer le site malgré l’explosion de la bulle. Nous avons fusionné avec des partenaires, puis sommes entrés en Bourse. Une expérience très riche, puisque nous sommes partis d’un PowerPoint, nous avons monté un projet d’entreprise et ensuite le site a été repris par Le Figaro. J’ai quitté Keljob.com un peu après la reprise du service par Le Figaro, pour rejoindre Viadeo il y a 3 ans et demi.
Vos premiers pas chez Viadéo ?
Chez Viadeo ce n’était pas un PowerPoint, c’était un peu plus construit. C’était une petite entreprise de 25 personnes. A l’époque, les réseaux sociaux suscitaient encore beaucoup de doute et de méfiance, on commençait à peine à voir Facebook, seul MySpace perçait. Tout le monde se demandait ce qu’étaient les réseaux sociaux, quel était le modèle économique, si le concept allait tenir, etc…
Aujourd’hui, chez Viadeo nous sommes 260 personnes, les professionnels reconnaissent la valeur du service, cela génère des revenus et c’est en croissance forte. Une croissance que peu de secteurs connaissent.
Votre évolution dans la société ? Vos responsabilités et domaines d’intervention, aujourd’hui ?
Ca a beaucoup bougé, j’ai fait 5 ou 6 postes en 4 ans. Je me suis un peu occupé de participation, fusion acquisition.
Je me suis occupé des partenariats et des abonnements premium. J’ai été DG France. Nous avons ensuite modifié la structure organisationnelle, j’ai alors pris en charge la partie WorldWide.
Je m’occupe, aujourd’hui, du développement, de la communication et des partenariats au niveau WorldWide. Mes fonctions ont beaucoup changé ce qui explique que mon propre profil Viadeo n’est pas à jour.
Les principales avancées auxquelles vous avez contribué ou que vous avez accompagné ?
J’ai beaucoup bougé un peu partout donc j’ai participé à beaucoup de chose, notamment la partie réseau et abonnements prémium, puis la partie facturation/emploi et recherche d’emploi. Plus récemment, j’ai accompagné le développement des partenariats et je me suis occupé du lancement de la plateforme API.
2. Historique de Viadeo
Quelle est l’histoire de Viadéo ?
Viadeo a été fondé par deux associés Dan Serfati, un HEC, et Thierry Lunati, un centralien. Cela situe la répartition des rôles : l’un en charge de la partie développement, management, commercial et l’autre en charge du développement produit et de la technique.
En fait la société s’est créée au début sur l’idée d’un club d’entrepreneur. L’idée c’était de dire que les entrepreneurs, en France, ont intérêt à plus se parler et se dire « qu’est-ce que je peux t’acheter ?», « qu’est-ce que je peux te vendre ?».
L’idée a donc germé de créer une plateforme Internet dédiée aux entrepreneurs. Et puis il y a eu l’explosion des réseaux sociaux qui a commencé avec MySpace, très ouvert.
Les fondateurs se sont dit qu’il fallait en faire un vrai outil grand public. Professionnel mais grand public. Voilà comment a démarré Viadeo en 2005.
Et puis ensuite, très vite, la prise de conscience de l’efficacité de l’outil s’est faite. Nous avons donc connu des levées de fonds pour un projet d’internationalisation, puis des ouvertures des bureaux, d’abord en Europe. Puis le rachat d’un acteur leader en Chine, le rachat d’un acteur en Inde, puis en Amérique du sud.
Il y a eu un changement de nom et nous avons beaucoup travaillé par acquisitions, à la différence de nos collègues, mais néanmoins concurrents, américains qui ont plutôt cru par croissance organique.
Sur quoi repose le modèle économique de Viadeo aujourd’hui ?
Le business model aujourd’hui c’est 35 millions de membres dont 4,5 en France. C’est un modèle économique qui vient à 50% des abonnements premium payants, essentiellement sur l’Europe. Il y a ensuite 30% de revenus qui sont liés aux recruteurs, qu’ils soient corporate ou cabinet de recrutement. Les 20% restant, c’est de la publicité.
3. Evolutions et impacts de Viadeo
Les principales évolutions du service ces derniers mois?
Il y a 3 grandes actualités. Nous avons lancé il y a 15 jours notre plateforme API. Nous avons ouvert une quarantaine de ressources API, des petites interfaces. Ce sont des programmes, des petites applications, qui permettent d’aller enrichir des données sur un site tiers avec le module Viadeo. Il y a le Facebook Connect, on a inventé notre Viadeo Connect. Il vous permet d’enrichir un site en utilisant les données que vous avez déjà remplis dans Viadeo, cela évite, entre autre, de tout recréer en partant de zéro.
Il y a plein d’exemple possible d’écosystèmes qui ont fait le succès de Twitter et Facebook. Grâce à cette plateforme API, aujourd’hui, il y a plein de sites tiers qui peuvent intégrer du Viadeo dans leurs contenus pour donner une expérience plus riche et plus intéressante à leurs utilisateurs.
La deuxième actualité, c’est Smart News : le produit que nous venons de lancer et dans lequel nous allons présenter le contenu de Viadeo dans un ordre différent de celui que nous exploitions jusque-là.
Aujourd’hui, l’affichage de votre tableau de bord repose sur l’information qui est partagée par vos contacts, c’est parce que ses personnes sont en contact avec vous, que vous voyez ce qu’elles font, ce qu’elles disent, c’est du partage.
Avec Smart News, nous avons inversé la démarche, nous nous sommes demandé ce qui vous intéresse. Quels sont vos mots-clés ? Quels sont les idées sur lesquelles vous avez envie d’obtenir de l’information ? Nous allons ouvrir le partage même si vous n’êtes pas en contact avec la personne qui les diffuse. Ce n’est pas parce que la personne n’est pas dans votre réseau que vous devez rater l’information intéressante qu’elle a partagée. Surtout si cette information répond à vos centres d’intérêt.
La démarche change, cela donne un fil d’actualité de ce qui intéresse, mais sans être dans un « fil à raclette », comme Google News. L’idée est de voir qui a partagé cette information. Si on voit apparaître cette personne 2 fois 3 fois dans les Smart News, c’est certainement un contact qu’il est intéressant de prendre, si ce n’en est pas déjà un.
Troisième actualité, nous avons lancé un nouveau produit de publicité, plutôt à destination des PME, qui s’appelle Social Ads, annonces sociale. L’intersection entre un post sponsorisé et Google Adwords.
C’est un produit payant grâce auquel vous allez poster une mini news sponsorisée sur le tableau de bord des personnes que vous avez ciblées, avec un effet viral, un effet boule de neige. Plus il y a de clics sur la news, et plus vous allez gagner des affichages supplémentaires gratuits auprès des personnes qui correspondent également à la cible. L’idée c’est que si votre annonce est virale, on la push a des personnes qui sont susceptibles d’être intéressées. Vous payez une mise initiale, si votre annonce n’est pas virale, ça ne cible qu’un premier champ de personne, mais si elle l’est, vous obtiendrez des affichages gratuits qui vous serviront à baisser le prix global de l’affichage : le coût au contact va diminuer rapidement.
Les principaux impacts de Viadeo sur le business des entreprises ?
Jusqu’à présent nous n’avions pas beaucoup d’offres à destination des entreprises. Nous avions plus d’offres à destination des particuliers avec l’abonnement premium. Mais, ces particuliers agissent dans le cadre de leur entreprise. Ils utilisent Viadeo dans le cadre de la fonction qu’ils prennent en charge, à travers une version individuelle. Le Commercial utilise Viadeo pour être meilleur dans son business, le Responsable Marketing pour diffuser des actualités sur l’entreprise et de ses produits, le dirigeant d’une PME va mettre en avant sa société et tenter d’obtenir de nouveaux contacts professionnels.
Les offres entreprises sont essentiellement à destination des services de recrutement, ou des services de publicité, par l’intermédiaire des régies publicitaires. Social Ads est considérée comme une offre entreprise mais ça peut servir à faire plein de chose. Nous sommes au début du produit, mais il est déjà très intéressant d’en observer son utilisation : la promotion d’événement, des personnes qui cherchent à promouvoir leur produit, à promouvoir leur profil, qui recherchent un job, qui propose un job, qui font des relances, etc. Tout cela représente un panel large de services.
Les entreprises peuvent-elles évaluer cet impact ?
Nous sommes devenus un acteur important pour toucher les professionnels. Le service permet vraiment de trouver un job, trouver des clients, trouver des fournisseurs, promouvoir des contenus, élargir les solutions publicitaires. Il y a plein d’usages différents, plein de modèles d’usage. Et, l’ensemble est accessible aux clients.
Les principaux intérêts de la recherche d’emploi avec Viadeo ?
Pour les recruteurs, il s’agit de toucher des membres en recherche active d’emploi qui ne sont pas adressables via les sites traditionnels d’emploi. Il s’agit également de toucher ceux qui ne sont pas forcément en recherche d’emploi, mais qui sont en poste et ouverts aux opportunités. La première différence et le principal avantage, c’est cette capacité à élargir le champ d’action du recruteur de l’entreprise avec un coût identique à un site d’emploi. En fait, c’est le prix d’un site d’emploi mais avec beaucoup plus d’opportunités.
Du point de vue de l’utilisateur, du candidat, Viadeo est idéal pour toucher des recruteurs de manière plus large, pour contacter directement les managers. Il y a beaucoup d’entreprise qui n’ont pas forcément de structure RH. Et, même pour celles qui en ont, le fait de toucher le manager est un bon moyen d’être bien placé dans le processus de recrutement. Le candidat peut toucher directement son futur employeur.
L’autre avantage c’est de pouvoir se générer naturellement des opportunités grâce à ce qu’on poste sur son propre profil Viadeo. Cela génère des pistes d’emploi, de business, de contact qui peuvent déboucher sur des opportunités d’emploi. C’est une gestion à long terme de son employabilité.
4. Axes de développement et stratégie de Viadeo
Les axes de développement « Produit » de Viadeo ?
Nous avons une actualité riche pour le moment. Néanmoins, dans les nouveaux produits, il va y avoir des produits pour la gestion de groupes, les hubs. Nous avons un projet très ambitieux de refonte des hubs.
Nous avons des projets sur les pages entreprises. Il s’agira de permettre aux entreprises d’améliorer leur service sous plusieurs aspects, notamment pour l’emploi.
Nous avons des projets sur mobile qui sont assez forts, mais surtout pour les pays émergents. Ce ne sera pas seulement au sens IPhone/Android que nous avons déjà, mais surtout pour proposer des services y compris aux personnes qui n’ont pas de Smartphones.
Les axes de développement « Marché» de Viadeo ?
Notre positionnement consiste à être un acteur multi-local et à adapter nos projets en fonction des zones géographiques, Cela veut qu’en Chine, nous n’avons pas les mêmes services qu’en Inde ou en Europe. Sur les nouveaux territoires à conquérir, nous analysons une nouvelle zone qu’est la Russie, pour voir ce qu’on aurait à faire.
En fait, le succès de LinkedIn est concret surtout sur les pays anglophone, où il est l’acteur leader. Dans des zones sans culture anglo-saxonne, ça devient beaucoup plus compliqué pour eux. La preuve, c’est que nous sommes leader en France, en Chine, en Italie, en Amérique du sud. Il y a un leader en Allemagne, Xing. Mais, dès qu’on sort des pays anglophones, le marché est beaucoup moins segmenté, et nous voulons nous positionner sur ces zones-là.
Viadeo et la croissance de Facebook et Google au niveau professionnel ?
Pour Google+ c’est encore neuf. Il est donc encore difficile de l’évaluer. Pour l’instant, Google parle beaucoup de Google+ mais il ne faut pas que ça devienne un Google Wave. C’est un outil très « Facebook Like ». De notre côté, nous sommes en partie sur un modèle ou l’identité personnelle et l’identité professionnelle sont vraiment des choses différentes. Nous n’avons pas intérêt à les mélanger.
Facebook n’est pas du tout une menace pour nous. Au contraire même, il a réussi à crédibiliser le réseau social, à changer la façon dont on communique et la façon dont on interagit avec les amis. Tout ceci arrive progressivement dans le monde de l’entreprise. Il suffit de regarder ce que fait Chatter, le réseau social proposé par Salesforce. Le mécanique réseau social a, aujourd’hui, du sens dans le monde professionnel. Il y a donc suffisamment à faire des deux coté pour qu’on ne se gêne pas avant très longtemps.
La stratégie de Viadeo à l’international ? Un œil sur les start-up qui portent de nouveaux projets ?
Oui, en termes d’acquisitions on regarde toujours ce qui se fait ailleurs. Néanmoins, l’objectif c’est de cibler l’Europe et les pays émergents. Nous voulons renforcer notre position dans ces zones-là. Nous n’allons pas aller attaquer forcément d’autres marchés que ceux-là pour le moment.
Une stratégie webmarketing particulière pour Viadeo ?
Pour notre communication, nous avons la chance d’être viral donc nous faisons très peu de marketing. Nous recrutons exclusivement nos membres en viralité naturelle ou en SEO classique. On ne fait pas du tout de SEM. Donc paradoxalement, nous ne sommes pas un mauvais élève, mais il est vrai que nous n’en avons pas besoin.
Par contre, nous nous rendons compte que Viadeo est un support sur lequel les initiatives marketing sont nombreuses. Les fonctions communautaires, à travers les hubs communautaires que nous proposons sont de plus en plus utilisées par des marques. Elles commencent à voir tout l’intérêt d’entretenir de nouvelles relations avec leurs prospects et leurs clients à l’intérieur de cette communication, orchestrée autour du hub.
5. Conseils et actualité
Vos conseils pour construire un réseau professionnel fiable ?
1-Construire un profil bien rempli. Cela ne veut pas dire qu’il faut tout dire mais il faut donner envie et s’arranger pour donner une bonne première impression. Mettre une photo, détailler un certain nombre de points, sans trahir ce que vous avez envie de dire mais en donnant envie de lire votre profil.
2- Prendre un nombre de contact minimum. Cela ne sert à rien d’aller chercher 2 000 ou 3 000 contacts. C’est plutôt dissuasif. Par contre, avoir 40 contacts me parait être un minimum pour se dire que le profil est crédible. Cela permet de monter dans quel domaine professionnel vous êtes intéressant.
3-Eviter d’être en contact avec des gens qu’on ne connait pas ou qui peuvent décrédibiliser votre profil. Il vaut mieux avoir peu de contact mais constituer un réseau en qui on a confiance, et qu’on peut mobiliser lorsqu’on en a besoin.
Y-a-t-il un risque de trop monopoliser l’attention vis-à-vis de ses contacts ?
Notre algorithme est créé de manière à diffuser les informations postées différemment en fonction des tableaux de bord des membres qui sont affichés. La notion de ciblage fait que nous ciblons certaines actualités en fonction des mots-clés qui intéressent la personne à qui on va l’afficher. Donc, le risque d’ « arroser » ou d’être trop présents est faible.
Doit-on ajouter des proches à ses contacts ?
Autant je pense que c’est important de séparer la logique personnelle et la logique professionnelle, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas des jonctions entre les deux cercles. On peut être très amis avec certains collègues. Il ne faut pas faire une séparation complètement étanche entre Viadeo et Facebook, mais il faut chercher à savoir à qui on parle et d’où. Il y a des choses qu’on dit sur Viadeo et qu’on ne dit pas sur Facebook et inversement.
Que pense Viadeo du rapport émis par Bruxelles sur les modes de financement du très haut débit dans l’UE ?
Est-ce préjudiciable pour la neutralité du net ?
N’ayant pas de services très gourmands en photos ou vidéos, nous ne sommes pas directement concernés. Nous ne sommes pas un important éditeur de contenus et nos services sont peu consommateurs en termes de bande passante. Nous ne sommes pas en première ligne. Néanmoins, à titre personnel, je pense que la neutralité du web est quelque chose d’important. Le dynamisme que cela permet et son impact sur l’économie ont été prouvés. Il y a une étude qui est sorite lors de l’e-G8, qui montrait qu’il y avait 5% de création d’emploi en France directement ou indirectement lié au secteur internet. C’est donc un vrai phénomène économique et je pense que la neutralité est un des prérequis à la vitalité du net. Il faut donc faire attention à ce que l’Europe ne se déconnecte pas.
L’Europe est-elle en retard par rapport aux USA ?
On est sur un monde qui est par nature très mondialisé et dans lequel il n’y a ni scrupules, ni complexes à avoir, à la différence de l’industrie où la bataille est peut-être un peu perdue par rapport à la Chine.
Dans le secteur Internet, nous avons des compétences. Or, nous n’avons rien a envié à la Sillicon Valley. J’ai vécu là-bas, et je peux vous dire qu’en Europe, il ne manque pas grand-chose, hormis le gout du risque et de l’ambition. Nous avons du talent. Nous avons des talents. Nous avons des clusters qui permettent de rassembler de la recherche, des entreprises. Nous avons des fonds et des outils qui peuvent financer les entreprises donc nous n’avons pas avoir de complexes. Il faut juste veiller à ne pas menacer tout ceci par une réglementation, déconnectée de l’ensemble du monde.